Vaincre ou mourir : le retour d’une pratique militante du cinéma
Le premier film produit par le Puy du fou démarre avec le score modeste de 110 000 entrées mais une excellente moyenne par copies.
Vaincre ou mourir, biographie filmée du général Vendéen Charette, produite par le Puy du fou et distribuée par SAJE, a fait couler beaucoup d’encre cette dernière semaine. Libération s’est fendu d’un article de quatre pages pour dénoncer le film, avec une outrance qui in fine sert plutôt ses défenseurs. A l’inverse, Geoffroy Lejeune, éditorialiste à Valeurs actuelles, n’hésite pas à faire de Vaincre ou mourir le terrain d’une bataille culturelle, censée permettre l’éclosion d’un « cinéma authentiquement de droite ». S’il l’on essaye de s’en tenir à des arguments strictement cinématographiques et que l’on met de côté toute interprétation idéologique du film, le constat est sans appel. Pensée à l’origine comme un docu-fiction, cette épopée n’arrive pas à se hisser à la hauteur de ses ambitions. Réussir un Braveheart à la française était un projet louable. Hélas, c’est lamentablement raté. Les dialogues sonnent faux, les acteurs sont mal dirigés, la voix-off est omniprésente, le scénario est sous-écrit. Il n’y a aucun sens du montage et de la mise en scène – les scènes de combats sont illisibles. Tout est survolé : le film ne se pose jamais pour développer des personnages ou des séquences dignes de ce nom.
Malgré cette indéniable faiblesse d’exécution, Vaincre ou mourir a réalisé une bonne première semaine dans les salles. Distribué dans une combinaison modeste de 188 salles, le film a enregistré 110 000 entrées, soit une excellente moyenne de 580 spectateurs par copie (une moyenne proche de celle de Babylon sur sa deuxième semaine). Il semble qu’il y ait là un phénomène qui dépasse les seuls enjeux de l’exploitation cinématographique. Sur les réseaux sociaux, des appels tournent dans les cercles militants liés au Puy du fou et au parti politique Reconquête. Des messages de ce type sont abondamment relayés :
« Mobilisez-vous ! Si vous avez prévu d’aller voir le film, faites-le dès cette semaine et si possible ce WE. Emmenez vos enfants, vos familles, vos amis… Et svp prenez un moment ce soir pour relayer cet appel à la mobilisation. Ca en vous la peine ».
On assiste donc à un renouveau de pratiques militantes du cinéma – pratiques qui étaient plutôt l’apanage de la gauche et qui concernent désormais la droite souverainiste, identitaire et catholique. Il faudra voir comment le film tient sur la durée. Un score au-delà des 300 000 entrées est possible, ce qui serait un succès modeste mais suffisant au regard du faible budget (4 millions d’euros). Dans cette affaire, le Puy du fou aura peut-être vaincu mais le cinéma, lui, est mort.